De plus en plus de jeunes engagés dans l’apprentissage rencontrent des difficultés majeures avec les savoirs de base : lire, écrire, compter, utiliser les outils numériques. Certains sont même en situation d’illettrisme ou d’illectronisme, ce qui signifie qu’ils n’ont pas acquis les compétences minimales nécessaires pour fonctionner de manière autonome dans leur vie personnelle et professionnelle.
Ce constat, préoccupant, est partagé par de nombreux acteurs de terrain, dont la CFDT, qui alerte depuis plusieurs années sur l’éloignement croissant entre les exigences du monde professionnel et les capacités réelles de nombreux jeunes. En
cause, notamment, la réforme de 2019 sur la réduction progressive des heures de formation théorique dans les centres de formation d’apprentis (CFA), au profit d’un allongement du temps passé en entreprise. Si l’objectif de professionnalisation est louable, il ne peut se faire au détriment de l’acquisition des compétences fondamentales.
Les conséquences sont multiples. D’un côté, les jeunes se retrouvent en difficulté pour comprendre une consigne, remplir un formulaire administratif, rédiger un rapport ou simplement échanger par mail avec un client ou un supérieur. Un militant CFDT du BTP témoigne : « En brevet professionnel, par exemple, qui est un équivalent du bac, on leur demande de rédiger un rapport d’activité. Mais seuls, ils n’y arrivent pas. Ils ne parviennent pas à développer leur pensée. La plupart ne font pas le lien entre la théorie et la pratique ». Ces difficultés ont un impact sur leur vie professionnelle.
« À l’issue de leur formation, ces jeunes sont censés être employables (…) et devenir des chefs d’équipe. Mais les employeurs rechignent à les recruter car ils ne peuvent pas leur confier de responsabilités. Sur un groupe de dix jeunes, aujourd’hui, quatre seulement lisent correctement les consignes ».
De l’autre, les employeurs doivent adapter leur accompagnement, répéter sans cesse les consignes, limiter les responsabilités confiées ou parfois réorienter les jeunes vers d’autres missions. Cela crée des frustrations, ralentit l’intégration et freine la montée en compétences.
Pour la CFDT, il est impératif de renforcer les moyens alloués à la formation théorique, de détecter en amont les situations d’illettrisme ou d’illectronisme, et de proposer des parcours de remédiation adaptés, encadrés par des formateurs compétents.
L’apprentissage ne doit pas devenir une voie de relégation pour les jeunes en difficulté, mais au contraire, une opportunité de rebond, d’émancipation et d’inclusion. Alors que le gouvernement affiche l’apprentissage comme une priorité nationale, il est temps de garantir que cette voie reste synonyme de réussite pour tous. Investir dans l’accompagnement scolaire et humain des apprentis, c’est investir dans la qualité de notre main-d’œuvre future, mais aussi dans la cohésion sociale.
Edito Elisabeth Linas